30 juillet 2006

La réalité n'est qu'un point de vue


Je me souviens, je devais avoir quelque chose comme 12 ans, et mon père avait gentiment accepté de m’emmener au SuperGames Show. Faut dire aussi que je l’avais sérieusement tanné pendant des semaines, l’esprit formaté par la lecture assidue de Player One et le visionnage en boucle de Micro Kid’s qui ne parlaient que de ça depuis des mois. Le pauvre avait fini par capituler, en pensant sans doute que cet intérêt absurde pour les jeux vidéo allait me passer avec la puberté (le fou), et il m’avait conduit au Palais des Expositions, visiter ce qui était à l’époque rien moins que l’équivalent de l’E3 en France. Bon, ok, en moins énorme et moins glamour, en plus artisanal et avec moins de babes – ça je m’en cognais à l’époque, rapport à la puberté – mais avec quand même des dizaines de km² remplis de jeux vidéo. Et ouvert au public avec ça, pour un prix exorbitant, genre trente balles. Noël, quoi.

C’est la première fois de ma vie où j’ai pu caresser fébrilement une NeoGeo. Où j’ai joué à toutes sortes de jeux dont j’ai oublié jusqu’à l’existence aujourd’hui. Où j’ai aperçu des bouts de StarWing (ça ne s’appelait pas encore StarFox en France), qui n’était pas encore sorti et oh la la comment ça a l’air trop bien. Je n’ai pas beaucoup de souvenirs précis de cette journée, surtout des images, des lumières, des sensations. Sauf un truc. Un GROS truc. Ou plutôt un gros casque. Avec des gants pleins de fils. Et des files d’attente aux stands qui s’allongeaient à perte de vue. Il était possible, moyennant finance, de s’essayer à la réalité virtuelle.

Tarte à la crème du vidéoludisme des années 90, la réalité virtuelle était censée être l’avenir du jeu vidéo. Avec un casque qui permettait de voir un univers en 3D, qui suivait les mouvements de tête, et des gants pour interagir là-dedans. Evidemment, je me suis jeté sur l’occasion : j’ai bien fait la queue, j’ai bien écouté les instructions, et j’ai enfin eu le droit d’enfiler le casque tant convoité. Génial ! Je bouge la tête à droite, et je vois un gros mur vert moche. Je tourne la tête à gauche, et j’aperçois un gros mur marron moche. Surpuissant ! J’appuie sur un bouton, le robot que je pilote saute et s’élève très haut, ce qui me permet d’admirer le paysage entièrement constitué de murs verts et marrons moches. Les écouteurs intégrés au casque beuglent un torrent d’informations en anglais auquel je n’entrave rien. J’essaye d’avancer… ça ne marche pas bien. Je suis censé être dans une arène avec d’autres robots (mes camarades à côté de moi, équipés de même), mais je ne vois pas grand monde. J’ai très envie d’ôter le casque pour voir si la partie a commencé, mais je me dis qu’on va croire que je laisse ma place au suivant. Alors j’attends, je bouge comme un débile, je parviens tant bien que mal à me mouvoir et à tirer sur quelqu’un. Apparemment un allié, vu comme ça s’est mis à gueuler dans les oreillettes. Et soudain, on me tape sur l’épaule, on m’enlève le casque, merci gamin, SUIVANT ! Fin de l’expérience, début du mal de crâne.

15 ans plus tard, les chimères de la réalité virtuelle ont disparu de l’actualité. La technologie, lourde, encombrante, beaucoup trop coûteuse pour des applications ludiques destinées au grand public, reste confinée aux champs de la recherche scientifique et médicale. Mais ne désespérons pas. La miniaturisation des interfaces, l’aplatissement des écrans, l’intégration des connections Internet à n’importe quel objet de la vie quotidienne, tout ça est bien parti pour nous faire discrètement entrer dans la « réalité virtuelle » sans même qu’on s’en rende compte. Regardez la Wii : on a pas le casque, mais on a la manette. Tout ça n’est qu’une question de temps, les erreurs de jeunesse passeront avec l’âge. Finalement, c’est mon père qui avait raison.

**Knox

16 commentaires:

Anonyme a dit…

Haaa la grande aventure de la realite virtuelle... et celle de sa soeurette 'ennemie', l'informatique omnipresente (ubiquitous computing, vous savez la domotique, les maisons qui parlent, les tables qui dessinent toutes seules..).

Bref, "integrer la vie a l'informatique" contre "integrer l'informatique a la vie".

Et si finalement, les 2 n'arrivaient pas a se rejoindre pour offrir a la fois les fonctionalites quotidiennes utiles tout en permettant une immersion maximale ?

a suivre.. ;)

ps: content de voir du neuf

Cham & Knox a dit…

C'est probable effectivement qu'on finisse par arriver à un hybride de tout ça... D'autant qu'avec les nanotechnologies, on a encore rien vu dans le domaine de l'intégration de l'informatique à la vie. Pour le meilleur et pour le pire, d'ailleurs...

Cham & Knox a dit…

Et puis les satellites ils ont détraqué la météo.

Un peu comme dans Dune, sauf que c'est l'inverse.

Anonyme a dit…

Avec tout ce fatras, voilà qu'on nous prépare une bonne petite génération de débiles en perspectives...
Vivons connectés ! déconnectés du réels...

P.S : et s'y en plus on nous fourre des nanos à tout va avec cela, c'est sur qu'il vaudra mieux se réfugier dans le virtuel, car le réel risque de craindre à mort !

Anonyme a dit…

Quelle vision refractaire...

Le monde evolue, mon jeune (ou moins jeune) ami. On peut toujours pretendre a ce que la prochaine generation sera plus conne qu'on ne l'est deja (pour se reconforter ?), mais de toute facon ca ne fera pas s'arreter la terre de tourner.

Plutot que ronchonner dans son coin et se battre contre le cours de l'eau, n'est-il pas plus sage de tenter de faire avancer les choses dans un sens qui parait le plus juste ? ;)

ps: nouvel article sur mon blog, j'espere y voir vos critiques ^_^

meduz' a dit…

« Plutot que ronchonner dans son coin et se battre contre le cours de l'eau, n'est-il pas plus sage de tenter de faire avancer les choses dans un sens qui parait le plus juste ? ;) »
Et si le sens le plus juste était justement celui à contre-courant ?

'tain, ça donne soif...

Cham & Knox a dit…

Personne n'a encore parlé du nucléaire et de la bougie :(

Anonyme a dit…

Meduz >
Parce que ca sert a rien de s'epuiser a rester fige pendant que les autres sont entraines par le courant inevitablement. Au final, tu ne fais rien avancer et tu ne changes rien (et la plupart du temps, tu passes pour un vieux reactionnaire que personne n'ecoute).
Il y a bien des methodes plus subtiles et censees de proceder ;)

Cham & Knox a dit…

Oh my god, community feeling !
(c) 2006 - Cham

meduz' a dit…

ttoi > Ouais, mais si tu te plantes au milieu de la flotte, que tu prends le temps de respirer un coup, de contempler les corps à la dérive (par contre, regarde pas quand Knox passe, son ragdoll prend pas la flotte) avec un bon cigare (un cigare nucléaire allumé à la bougie, pour faire plaisir à cham) et ton journal, ça te change ta perception de toute une vie. Et ça, c'est important.

Par contre, un truc : on commence par une réponse par "Parce que" lorsque la question commence par "Et si", c'est pas une manière très subtile et sensée de procéder.

Désolé, j'ai pas pu résister. C'est de la faute de Knox, il m'a mis dans le mood avec son community feeling.

Bon, vais m'chauffer une pizza...

Anonyme a dit…

Mince, ca craque dans le coin...

oui bon, "parce que" tout ca... hum... je sais pas, un moment d'egarement on va dire.

Toujours est-il que se poser est faire le point est tres bien, c'est les moments de reflexion parmi et avant l'action (et apres aussi tiens)... mais en ce qui concerne l'action en elle-meme, je pense que balancer un coup de marche arriere autant qu'on peut c'est pas une idee formidable et provoque plus de conflits que de solutions ou d'idees constructives.

Tu sais, ces fameux debats ou chacun est retranche dans son coin sans aucune envie d'aller dans le sens de l'autre et ou au final personne ne s'entend sur rien et est encore plus campe sur ses positions ?

ca me fait penser au passage du vendeur de glace dans "le pelerin de compostelle" de Coelho (j'ai la memoire qui flanche alors je prefere vous le laisser lire, en esperant meme que vous connaissez, c'est plus facile avec des reperes communs)

Anonyme a dit…

Bon je commence à en avoir marre de tomber tout le temps sur le même truc à chaque fois que je passe ici.
Au boulot, bordel de merde !

Cham & Knox a dit…

Hiiii oui Msieur NiarKal, on va s'y mettre Msieur NiarKal !
Pas taper !

Anonyme a dit…

bon, c'est vrai qu'elle est belle cette bd avec du beau sable et de beaux palmiers en images de synthèse, mais ce serait sympa d'avoir un peu de nouveau...
une update avant la fin du mois?

Cham & Knox a dit…

Ah mais elle est écrite la chronique, il manque ze BD. Ca ne saurait tarder, me souffle-t-on dans l'oreillette, sauf en cas de week-end à Palavas-les-Flots.

Cham & Knox a dit…

Ca arrive dans la soirée d'ailleurs.